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Du fleuve à la mer


Theus,


Je me suis logée dans le creux de ton poignet ce soir, sous le bracelet de ta montre jaune fluo. Sur une terrasse ombragée, je t'ai vu rire avec une fille apprêtée au regard un peu vide, en buvant des cocktails forts pour oublier.


Il est des amours qui peinent à éclore, des tendresses qui doivent se transformer ou tomber dans le néant. La transmutation opèrera-t-elle ? L'alchimiste s'est perdu en route. Ce printemps souffle le chaud et le froid. Ton passé est un dragon qui te mange le coeur. Pour l'instant, tu le laisses faire.


La vie est un fleuve large, tantôt calme tantôt tumultueux, avec des confluents et de longs méandres, charriant un limon sombre par endroits, et de minuscules cailloux gris qui chuintent dans le fracas des eaux. C'est aussi un liquide huileux et turquoise parfois, un velours clair tacheté de soleil, avec des troncs d'arbres et des insectes qui flottent, des fleurs et des herbes ballotées par les courants. De petites retenues d'eau stagnante mais scintillante, comme des piscines pour les têtards et nos pieds endoloris. Le milieu du fleuve est parcouru d'un flux constant au débit rapide. Si tu nages à contre-courant, c'est mal barré. L'eau est plus forte que toi. Ça va un moment, mais tu t'épuises, tu luttes contre un élément puissant qui tôt ou tard aura le dessus. Autant lâcher.


Je te remercie pour tant de choses

- ta tendresse vraie

- ta tristesse vraie

- tes surprises lumineuses

- nos complicités, nos fous rires

- ces heures dans les musées, au milieu d'œuvres émouvantes


Tu as choisi et j'ai choisi. Je nage dans le courant, je me laisse porter, juste une impulsion des jambes et des bras de temps à autre. Je veux ressentir l'élan du cœur, tant pis si ça remue, tant pis si c'est spumeux que j'ai de l'eau plein la bouche. Le Rhône lave mes pleurs matinaux, il en fait une eau de pluie fine qu'il absorbe. Les tourbillons me happent parfois tandis que je fais la brasse, mais un crawl énergique me sort de tous les trous d'eau. Juste rester vigilante. Je nage, peut-être irai-je jusqu'à la mer. Les baleines me prendront sous leurs nageoires énormes dans une étreinte réconfortante, je m'y blottirai et chercherai le sommeil réparateur.


Je passe un peu de temps dans le jaune fluo de ton bracelet, je m'y complais, oh juste un moment encore. Je traîne, je caresse ta peau claire, me promener sur ton corps comme un baiser lascif et invisible. Mes yeux se décillent, les larmes ne coulent plus. Les heures défilent, le cadran de ta montre qui est tout contre moi me rappelle que le temps est un dieu hiératique que nul ne peut défier.


Demain, tu seras loin. Tu auras roulé seul jusqu'à la mer dans ta vieille guimbarde en écoutant de la musique, c'est une étendue bien plus vaste, la mer, plus dangereuse. Les touristes ne sont pas encore là et la plage sera déserte. Tu loueras une planche à voile dans un petit club et tu prendras le large. Tu passeras les premières vagues et tu t'éloigneras du littoral. Tu auras retiré ta montre qui n'est pas étanche et je renonce à me fourrer dans ton maillot de bain. Ce sera bien d'être sans moi, tu verras. Un allègement. Un nouveau souffle. Le vent dans la voile, et le clapotis de l'eau salée quand la planche prend de la vitesse. Tu apercevras de gros poissons frayant dans la transparence, aussi des méduses belles et effrayantes. Je te manquerai… je crois. Je serai dans une zone océanique voisine, à quelques miles marins de toi. Pas loin. Je penserai à toi. A nos projets si beaux. A nos ébats sauvages. A mes choix et aux tiens.



Ada



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