Chère Ada,
Quitte ce qui t'étrique et te ratatine, quitte ce qui te tire vers le bas, te pèse comme du plomb, oui, quitte les situations compliquées, les malotrus, les maladroits, les mal en point qui rouvrent les plaies ou oeuvrent à la stagnation. Mais ne me quitte pas moi.
Quitte pour aller vers ceux que tu aimes, ceux qui te regardent grandir comme une petite tige verte, ceux qui t'apportent un thé au lit après ta sieste, t'emmènent voir un bon film au cinéma, grimper sur le dos des montagnes, ceux qui te font rire quand tu as le coeur à l'envers.
Quitte pour retrancher, déblayer. Pas pour occire à tout prix.
La vraie guerrière ne craint pas de meurtrir, mais elle ne dévaste pas tout sur son passage. Le rouge du combat aux joues, elle a le regard franc et clair, celui de la sagesse.
Regarde la nuit tomber sur le massif de la Chartreuse, là-bas des animaux se préparent à l'obscurité. Ils se tapissent dans les feuilles mortes, piétinent les lichens, se réunissent en meutes ou cherchent un endroit à l'écart pour passer la nuit. Certains guettent une proie gentille, pas trop vive, à dévorer. D'autres se lovent contre le sein maternel. Des loups, des biches, des sangliers. Des mulots, des fourmis. Ils se cachent, se traquent et se rencontrent, s'affrontent peut-être.
Quitte tout ce que tu veux, mais pas moi, ton bon génie, ton meilleur apôtre, ton ver luisant, ta petite machine intérieure.
Parfois tu as la rage. Et c'est beau de te voir montrer les crocs. Mais n'oublie pas cette arme redoutable: ta douceur.
Theus