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Lendemain de la veille


Les élections présidentielles ont toujours un côté solennel, pour les Français de Genève, On se sent investis d’une mission, sauver nos compatriotes installés pas loin, de l’autre côté de la douane, à quelques kilomètres de notre asphalte helvète. Le pays de notre naissance, nos premiers pas dans la vie, nos longues années d’adolescence. Qui sait si nous retournerons y vivre un jour ? Et puis, à Genève, tout le monde s’intéresse de près à la chose politique française. C’est que les bien-être des deux nations sont étroitement liés.

Il y avait foule, dimanche après-midi, au Cycle de l’Aubépine, pour déposer la petite enveloppe brune dans l’urne transparente. Brune, l’enveloppe. Transparente, l’urne.

Dans la file d’attente, mes compatriotes étaient tendus et silencieux. J’avais envie de parler, moi. Pas le cœur à me réfugier dans les réseaux sociaux de mon smartphone, ni à contempler d’un œil rêveur les feuilles vertes qui font une chevelure printanière aux arbres. J’avais envie de vivre cette communion devant les urnes en blaguant, en échangeant des regards. Je croise des connaissances, raconte les vacances de Pâques de mes filles en Touraine, puis entre en moi-même.

La queue est longue, en tout cas pour le bureau de vote 11, le mien. Beaucoup de têtes blanches, leurs yeux se plissent sur les listes imprimées en petits caractères. La fine enveloppe qui m’est dévolue glisse enfin dans la petite fente, une seconde elle flotte dans l’air avant de rejoindre le monticule déjà formé par les enveloppes de mes prédécesseurs.

Le soir venu, un bon coup de massue à l’annonce des résultats. On s’y attendait un peu.

L’occiput douloureux, je contemple l'absurdité des guerres intestines qui ont émaillé cette campagne. J'en veux à une classe politique égarée dans ses dissensions. J’en veux surtout aux électeurs désabusés ou craintifs, à ceux qui se sont sentis appelés, rassurés par le vibrato d'une voix paternaliste. Et qui, dans cet élan, perpétuent une floppée de privilèges pour une frange étroite de la population.

Je le sais, le quotidien est âpre pour certains Français de France. Les associations ont le cœur est à l’ouvrage, mais les ressources sont maigres. Les budgets familiaux sont serrés pour les diplômés, donc affreusement sanglés pour ceux qui ne le sont pas. Comment donner un nouveau souffle à une économie si peu partageuse ? La gauche est trop souvent taxée d’idéaliste dans les médias traditionnels. Comme si ses figures présidentiables nous contaient fleurette, une marguerite au coin de la bouche.

La question au cœur de ces élections semble avoir été la peur d’une déroute économique. Où est le débat sur la démocratie et le vivre ensemble ? La grande machine à produire de la croissance aura fait rêver les électeurs. « Ramène-toi, donne-moi du nougat » (Brigitte Fontaine), bon, c'est ça l'essentiel?

Les choses sont claires désormais, on vote anti-Le Pen, comme en 2002. Oh, je redeviens jeune ! C’était il y a quinze ans. Pardon, c’est quand qu’on évolue ?

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